Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/292

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l’existence même la plus douloureuse, l’homme préféra l’idée d’une existence malheureuse & connue, à celle d’une non existence, qu’il regarda comme le plus affreux des maux, parce qu’il n’en put avoir d’idée, ou parce que son imagination lui fit envisager cette non existence ou ce néant comme l’assemblage confus de tous les maux ensemble. Un mal connu, quelque grand qu’il puisse être, alarme moins les hommes, sur-tout quand il leur reste l’espoir de l’éviter, qu’un mal qu’ils ne connoissent point, sur lequel par conséquent leur imagination se croit forcée de travailler, & auquel elle ne sçait opposer aucun remède.

L’on voit donc que la superstition, loin de consoler les hommes sur la nécessité de mourir, ne fait que redoubler leurs terreurs par les maux dont elle prétend que leur trépas sera suivi : ces terreurs sont si fortes que les malheureux qui croient ces dogmes redoutables, quand ils sont conséquens, passent leurs jours dans l’amertume & les larmes. Que dirons-nous de cette opinion destructive de toute société, & pourtant adoptée par tant de nations, qui leur annonce qu’un dieu sévère peut à chaque instant, comme un voleur les prendre au dépourvu, & venir exercer sur la terre ses jugemens rigoureux ? Quelles idées plus propres à effrayer, à décourager les hommes, à leur ôter le desir d’améliorer leur sort, que la perspective affligeante d’un monde toujours prêt à se dissoudre, & d’une divinité assise sur les débris de la nature entière pour juger les humains ? Telles sont néanmoins les funestes opinions dont l’esprit des nations s’est répu depuis des milliers d’années ; elles sont si dangereuses que si, par une heureuse