Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/294

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l’ont regardé comme le frein le plus capable de retenir leurs sujets sous le joug ; plusieurs philosophes eux-mêmes ont cru de bonne foi que ce dogme étoit nécessaire pour effrayer les hommes & les détourner du crime[1].

On ne peut en effet disconvenir que ce dogme n’ait été de la plus grande utilité pour ceux qui donnèrent des religions aux nations, & qui s’en firent les ministres ; il fut le fondement de leur pouvoir, la source de leurs richesses, & la cause permanente de l’aveuglement & des terreurs dans lesquelles leur intérêt voulut que le genre-humain fut nourri. C’est par lui que le prêtre devint l’émule & le maître des rois : les nations se sont remplies d’enthousiastes îvres de religion, toujours bien plus disposés à écouter ses menaces que les conseils de la raison, que les ordres du souverain, que les cris de la nature, que les loix de la société. La politique fut elle-même asservie aux caprices du prêtre ; le monarque temporel fut obligé de plier sous le joug du monarque éternel ; l’un ne disposoit que de ce monde périssable, l’autre étendoit sa puissance jusques dans un monde à venir, plus important pour les hommes que la terre, où ils ne sont que des pélerins & des passagers. Ainsi le dogme de l’autre vie mit le gouvernement lui-même dans la dépendance du prêtre ; il ne fut que son premier sujet, & jamais il ne fut obéï que lorsque tous deux furent d’accord pour accabler le

  1. Lorsque le dogme de l’immortalité de l’ame, sorti de l’école de Platon, vint à se répandre chez les Grecs, causa les plus grands ravages, & détermina une foule d’hommes mécontens de leur sort à terminer leurs jours. Ptolémée Philadelphe Roi d’Égypte en voyant les effets que ce dogme, que l’on regarde aujourd’hui comme si salutaire, produisoit sur les cerveaux de ses sujets, défendit de l’enseigner sous peine de mort. Voyez l’argument du dialogue, de Phaédon la traduction de Dacier.