Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/320

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dans la ville où le sort l’a fait naître, iroit dans son chagrin se plonger dans la solitude ? Eh bien, de quel droit blâmer celui qui se tue par désespoir ? L’homme qui meurt fait-il donc autre chose que s’isoler ? La mort est le remède unique du désespoir ; c’est alors qu’un fer est le seul ami, le seul consolateur qui reste au malheureux ; tant que l’espérance lui demeure, tant que ses maux lui paroissent supportables, tant qu’il se flatte de les voir finir un jour, tant qu’il trouve encore quelque douceur à exister, il ne consent point à se priver de la vie ; mais lorsque rien ne soutient plus en lui l’amour de son être, vivre est le plus grand des maux, & mourir est un devoir pour qui veut s’y soustraire[1].

Une société qui ne peut ou ne veut nous procurer aucun bien, perd tous ses droits sur nous ; une nature qui s’obstine à rendre notre existence malheureuse nous ordonne d’en sortir ; en mourant nous remplissons un de ses décrets, ainsi que nous avons fait en entrant dans la vie. Pour qui consent à mourir il n’est point de maux sans remèdes ; pour qui refuse de mourir il est encore des biens qui l’attachent au monde. Dans ce cas qu’il rappelle ses forces, & qu’il oppose au destin qui l’opprime le courage & les ressources que la nature lui fournit encore ; elle ne l’a pas totalement abandonné tant qu’elle lui laisse le sentiment du plaisir & l’espoir de voir la fin de ses peines. Quand au superstitieux il n’est point de terme à

  1. Mallum est in necessitate vivere : sed in necessitate vivere, necessitats nullas est. Quidni nulla sit ? Patenque undique ad libertarem viamulta, breves, faciles. Agamus deo gratias, quod neom in vitd teneri possit.
    V. Senec. Epist XII.