Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/346

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permet au sauvage d’Amérique d’aller tout nud, force l’habitant civilisé d’une nation européenne de se vêtir ; l’homme pauvre se contente d’un vêtement très simple qui lui sert toute l’année ; l’homme riche veut un habit conforme à chaque saison ; il souffriroit s’il n’avoit point la commodité d’en changer ; il seroit affligé si son habit n’annonçoit point aux autres son opulence, son rang, sa supériorité. C’est ainsi que l’habitude multiplie les besoins du riche ; c’est ainsi que sa vanité devient elle-même un besoin, qui met en jeu mille bras empressés à la satisfaire ; enfin cette vanité procure à des hommes indigens les moyens de subsister. Celui qui s’est habitué au faste, au luxe dans les habits, lorsqu’il est privé de ces signes de l’opulence, ausquels il attache une idée de bonheur, se trouve aussi malheureux que le pauvre qui n’a point de quoi se vêtir. Les nations, civilisées aujourd’hui, ont commencé par être sauvages, errantes & vagabondes, occupées de la chasse & de la guerre, forcées de chercher leur subsistance avec peine : peu-à-peu elles se sont fixées, elles se sont livrées à l’agriculture, ensuite au commerce ; elles ont raffiné sur leurs premiers besoins, elles en ont étendu la sphère, elles ont imaginé mille moyens pour les contenter : progression naturelle & nécessaire dans des êtres actifs qui ont besoin de sentir, & qui pour être heureux, doivent varier leurs sensations.

à mesure que les besoins des hommes se multiplient ils deviennent plus difficiles à satisfaire, ils sont forcés de dépendre d’un plus grand nombre de leurs semblables ; pour exciter leur activité, pour les engager à concourir à ses vues, l’on est donc obligé de se procurer les objets capables