CHAPITRE IV
Des loix du mouvement communes à tous les êtres de la nature. De l’attraction & de la répulſion. De la force d’inertie. De la Néceſſité.
Les hommes ne ſont point ſurpris des effets
dont ils connoiſſent les cauſes ; ils croient connoître
ces cauſes dès qu’ils les voient agir d’une maniere
uniforme & immédiate, ou dès que les mouvemens
qu’elles produiſent ſont ſimples : la chûte
d’une pierre qui tombe par ſon propre poids, n’eſt
un objet de méditation que pour un philoſophe,
pour qui la façon d’agir des cauſes les plus immédiates,
& les mouvemens les plus ſimples ne ſont
pas des myſtères moins impénétrables que la façon
dont agiſſent les cauſes les plus éloignées & que
les mouvemens les plus compliqués. Le vulgaire
n’eſt jamais tenté d’approfondir les effets qui lui
ſont familiers ni de remonter à leurs premiers
principes. Il ne voit rien dans la chute de la
pierre qui doive le ſurprendre ou mériter ſes
recherches ; il faut un Newton pour ſentir que la
chûte des corps graves est un phénomène digne
de toute ſon attention ; il faut la ſagacité d’un
phyſicien profond pour découvrir les loix ſuivant
lesquelles les corps tombent & communiquent à
d’autres leurs propres mouvemens : enfin l’eſprit
le plus exercé a ſouvent le chagrin de voir que les
effets les plus ſimples & les plus ordinaires échap-