Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/100

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férens par leurs tempéramens, ſe ſont trouvés dans des circonſtances très différentes, il a fallu néceſſairement que leurs idées ne fuſſent point les mêmes ſur une cauſe imaginaire qu’ils virent ſi diverſement. D’accord ſur quelques points généraux, chacun ſe fit un Dieu à ſa maniere, il le craignit, il le ſervit à ſa façon. Ainſi le Dieu d’un homme ou d’une nation ne fut preſque jamais le Dieu d’un autre homme ou d’une autre nation. Le Dieu d’un peuple ſauvage & groſſier eſt communément un objet matériel ſur lequel l’eſprit s’eſt fort peu exercé ; ce Dieu paroit très ridicule aux yeux d’un autre peuple plus policé, c’eſt-à-dire, dont l’eſprit a bien plus travaillé. Un Dieu ſpirituel, dont les adorateurs mépriſent le culte que rend un Sauvage à un objet matériel, eſt la production ſubtile du cerveau de pluſieurs penſeurs qui ont longtems médité dans une ſociété policée où l’on s’en eſt fortement & longtems occupé. Le Dieu Théologique que les nations les plus civiliſées admettent aujourd’hui ſans le comprendre eſt, pour ainſi dire le dernier effort de l’imagination humaine ; il eſt au Dieu d’un Sauvage comme un habitant de nos villes où regne le faſte revêtu d’un habit de pourpre artiſtement brodé, eſt à un homme tout nud ou couvert ſimplement de la peau des bêtes. Ce n’eſt que dans les ſociétés civiliſées, où le loiſir & l’aiſance procurent la faculté de rêver & de raiſonner, que des penſeurs oiſifs méditent, diſputent, font de la métaphyſique : la faculté de penſer eſt preſque nulle dans les Sauvages occupés de la chaſſe, de la pêche & du ſoin de ſe procurer une ſubſiſtance incertaine par beaucoup de travaux. L’homme du peuple parmi nous n’a point des idées plus relevées de la Divinité, & ne l’analyſe pas plus que le Sauvage. Un