que peut faire que les êtres qu’il produit ou qu’il meut agiſſent autrement qu’ils ne font d’après les propriétés qu’il a pu leur donner ; & dans ce cas nous demanderons ſi cet être, tel qu’on puiſſe le ſuppoſer, n’agit pas néceſſairement & n’eſt pas forcé d’employer les moyens indiſpenſables pour remplir ſes vues & parvenir aux fins qu’il a, ou qu’on lui ſuppoſe ? Pour lors nous dirons que la nature eſt forcée d’agir d’après ſon eſſence ; que tout ce qui se fait en elle eſt néceſſaire, & que ſi on la ſuppoſe gouvernée par un Dieu, ce Dieu ne peut agir autrement qu’il ne fait, & parconſéquent eſt ſoumis lui même à la néceſſité.
On dit qu’un homme eſt indépendant, lorſqu’il n’eſt déterminé dans ſes actions que par les cauſes générales qui ont coutume de le mouvoir ; on dit qu’il eſt dépendant d’un autre homme, lorſqu’il ne peut agir qu’en conſéquence des déterminations que ce dernier lui donne. Un corps eſt dépendant d’un autre corps, lorſqu’il lui doit sſon exiſtence & ſa façon d’agir. Un être exiſtant de toute éternité ne peut devoir ſon exiſtence à aucun autre être ; il ne pourroit donc être dépendant de lui que parce qu’il lui devroit ſon action ; mais il eſt évident qu’un être éternel, ou exiſtant par lui même, renferme dans ſa nature tout ce qu’il faut pour agir ; donc la matiere étant éternelle eſt néceſſairement indépendante dans le ſens que nous avons expliqué. Donc elle n’a pas beſoin d’un moteur dont elle doive dépendre.
L’être éternel eſt auſſi immuable, ſi par cet attribut l’on entend qu’il ne peut changer de nature ; car ſi l’on vouloit dire par là qu’il ne peut point changer de façon d’être ou d’agir, on ſe tromperoit, ſans doute, puiſque, même en ſup-