Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/113

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posant un être immatériel, on seroit forcé de reconnoître en lui différentes manières d’être, différentes volitions, différentes façons d’agir ; à moins qu’on ne le supposât totalement privé d’action, auquel cas il seroit parfaitement inutile. En effet pour changer de manière d’agir, il faut nécessairement changer de façon d’être. D’où l’on voit que les théologiens, en faisant Dieu immuable, le rendent immobile, & par conséquent inutile. Un être immuable dans ce sens de ne point changer de façon d’être, ne pourroit évidemment avoir ni des volontés successives, ni produire des actions successives ; si cet être a créé la matière ou enfanté l’univers, il fut un tems où il voulut que cette matière & cet univers existassent, & ce tems fut précédé d’un autre tems où il avoit voulu qu’ils n’existassent point encore. Si Dieu est l’auteur de toutes choses, ainsi que des mouvemens & des combinaisons de la matière, il est sans cesse occupé à produire & à détruire ; par conséquent il ne peut être appellé immuable quant à sa façon d’exister. L’univers matériel se maintient toujours lui-même par les mouvemens & les changemens continuels de ses parties ; la somme des êtres qui le composent, ou des élémens qui agissent en lui, est invariablement la même ; dans ce sens l’immutabilité de l’univers est bien plus facile à concevoir & bien plus démontrée, que celle d’un dieu distingué de lui, à qui l’on attribue tous les effets & changemens qui s’opèrent à nos yeux. La nature n’est pas plus accusable de mutabilité à cause de la succession de ses formes, que l’être éternel des théologiens par la diversité de ses décrets.