Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/119

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gina un dieu qui pense, qui agisse, qui ait de l’intelligence pour elle. Ainsi ce dieu n’est que la qualité abstraite, la modification de notre être nommée intelligence que l’on a personnifiée. C’est dans la terre que s’engendrent des animaux vivans que nous nommons des vers ; cependant nous ne disons point que la terre soit un être vivant. Le pain que nous mangeons & le vin que nous buvons ne sont point de substances pensantes, mais ils nourrissent, soutiennent & font penser des êtres susceptibles de cette modification particulière. C’est dans la nature que se forment des êtres intelligens, sentans, pensans ; cependant nous ne pouvons dire que la nature sente, pense & soit intelligente.

Comment, nous dira-t-on, refuser au créateur des qualités que nous voyons dans ses créatures ? L’ouvrage seroit-il donc plus parfait que l’ouvrier ? le dieu qui a fait l’œil ne verra-t-il point, le dieu qui a fait l’oreille n’entendra-t-il point ? mais d’après ce raisonnement ne devrions-nous pas attribuer à Dieu toutes les autres qualités que nous rencontrons dans ses créatures ? Ne dirions-nous pas avec autant de fondement que le dieu qui a fait la matière est lui-même matière ; que le dieu qui a fait le corps doit posséder un corps ; que le dieu qui a fait tant d’insensés est insensé lui-même ; que le dieu qui a fait des hommes qui péchent est sujet à pécher ? Si de ce que les ouvrages de Dieu possédent certaines qualités & sont susceptibles de certaines modifications, nous allons en conclure que Dieu les posséde aussi, à plus forte raison nous serons forcés d’en conclure pareillement que Dieu est matériel, est étendu, est pesant, est méchant &c.