Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/12

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nuit, ni l’éviter, ni se procurer le bien-être ; il ne différeroit en rien des êtres insensibles & non organisés, si le mal momentané, que nous nommons besoin, ne le forçoit à mettre en jeu ses facultés, à faire des expériences, à comparer & distinguer les objets qui lui peuvent nuire de ceux qui sont favorables à son être. Enfin sans le mal l’homme ne connoîtroit point le bien, il seroit continuellement exposé à périr ; semblable à un enfant dépourvu d’expérience, à chaque pas il coureroit à sa perte certaine, il ne jugeroit de rien, il n’auroit point de choix, il n’auroit point de volontés, de passions, de desirs, il ne se révolteroit point contre les objets désagréables, il ne pourroit les écarter de lui, il n’auroit point de motifs pour rien aimer ou rien craindre ; il seroit un automate insensible, il ne seroit plus un homme.

S’il n’existoit point de mal dans ce monde, l’homme n’eût jamais songé à la divinité. Si la nature lui eût permis de satisfaire aisément tous ses besoins renaissans, ou de n’éprouver que des sensations agréables, ses jours eussent coulé dans une uniformité perpétuelle, & il n’auroit point eu de motifs pour rechercher les causes inconnues des choses. Méditer est une peine ; l’homme toujours content ne s’occuperoit qu’à satisfaire ses besoins, à jouir du présent, à sentir des objets qui l’avertiroient sans cesse de son existence d’une façon qu’il aprouveroit nécessairement. Rien n’alarmeroit son cœur, tout seroit conforme à son être, il n’éprouveroit ni crainte, ni défiance, ni inquiétudes pour l’avenir ; ces mouvemens ne peuvent être que les suites de quelque sensation fâcheuse qui l’auroit antérieurement af-