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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/141

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nous nous bornions à juger avec les cinq ſens que nous avons. Un aveugle n’a l’uſage que de quatre ſens ; il n’est point en droit de nier qu’il n’exiſte un ſens de plus pour les autres ; mais il peut dire avec raiſon & vérité qu’il n’a aucune idée des effets qu’il produiroit avec le ſens qui lui manque. C’eſt avec ces cinq sens que nous ſommes réduits à juger de la Divinité qu’aucun d’eux ne nous montre ou ne voit mieux que nous. Un aveugle, entouré d’autres aveugles, ne ſeroit-il pas autoriſé à leur demander de quel droit ils lui parlent d’un ſens qu’ils n’ont point eux mêmes, ou d’un être ſur lequel leur propre expérience ne leur peut rien apprendre ? [1]

Enfin on peut encore répondre à M. Clarcke que, ſuivant ſon ſyſtême, ſa ſupposition eſt impoſſible, & ne doit point ſe faire, vu que Dieu ayant, ſelon lui, fait l’homme, voulut, ſans doute, qu’il n’eût que cinq ſens, ou qu’il fût tel qu’il eſt actuellement, parce qu’il falloit qu’il fût ainſi pour répondre aux vues ſages & aux deſſeins immuables que la Théologie lui prête.

Le Docteur Clarcke, ainſi que tous les autres Théologiens, fonde l’exiſtence de ſon Dieu ſur la néceſſité d’une force qui ait le pouvoir de commencer le mouvement. Mais ſi la matiere a toujours exiſté, elle a toujours eu le mouvement, qui, comme on l’a prouvé, lui eſt auſſi eſſentiel que ſon étendue, & découle de ſes propriétés primitives. Il n’y a donc de mouvement que dans

  1. En ſupposant, comme font les Théologiens, que Dieu impoſe aux hommes la néceſſité de le connoître, leur prétention paroît auſſi déraiſonnable que le ſeroit l’idée du propriétaire d’une terre à qui l’on ſuppoſeroit la fantaiſie que les fourmis de ſon jardin le connûſſent lui-même, & raiſonnaſſent pertinemment ſur ſon compte.