Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/18

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tes des causes ou des dieux qui les avoient alarmés[1].

Si les dieux des nations furent enfantés dans le sein des alarmes, ce fut encore dans celui de la douleur que chaque homme façonna la puissance inconnue qu’il se fit pour lui-même. Faute de connoître les causes naturelles & leurs façons d’agir, lorsqu’il éprouve quelque infortune ou quelque sensation fâcheuse, il ne sçait à qui s’en prendre. Les mouvemens qui malgré lui s’excitent au dedans de lui-même, ses maladies, ses peines, ses passions, ses inquiétudes, les altérations douloureuses que sa machine éprouve sans en démêler les vraies sources, enfin la mort, dont l’aspect est si redoutable pour un être fortement attaché à la vie, sont des effets qu’il regarde comme surnaturels, parce qu’ils sont contraires à sa nature actuelle ; il les attribue donc à quelque cause puissante, qui, malgré tous ses efforts, dispose à chaque instant de lui. Son imagination désespérée des maux qu’il trouve inévitables, lui crée sur le champ quelque phantôme, sous lequel la conscience de sa propre foiblesse l’oblige de fris-

  1. Un auteur Anglais a dit avec raison que le déluge universel a peut-être autant dérangé le monde moral que le monde physique, et que les cervelles humaines conservent encore l’empreinte des chocs qu’elles ont alors reçus.

    Voyez Philemon & Hydaspe, pag. 355.

    Il est peu vraisemblable que le déluge, dont parlent les livres saints des Juifs et des Chrétiens, ait été universel ; mais il y a tout lieu de croire que toutes les parties de la terre ont, en différens temps, éprouvé des déluges ; c’est ce que prouve la tradition uniforme de tous les peuples du monde, et encore plus les vestiges de,corps marins que l’on trouve en tout pays, enfouis à plus ou moins de profondeur dans les couches de la terre : cependant, il pourrait se faire qu’une comète, en venant heurter vivement notre globe eut produit une secousse assez forte pour submerger à la fois les continents, ce qui a pu se faire sans miracle.