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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/193

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me, la nature & ses voies furent toujours méconnues. On a cessé de l’étudier pour remonter par la pensée à sa prétendue cause, à son moteur caché, au souverain qu’on lui avoit donné. On fit de ce moteur un être inconcevable, à qui l’on attribua tout ce qui se passoit dans l’univers ; sa conduite parut mystérieuse & merveilleuse parce qu’elle fut une contradiction continuelle ; on supposa que sa sagesse & son intelligence étoient les sources de l’ordre, que sa bonté étoit la source de tous biens, que sa justice sévère ou son pouvoir arbitraire étoient les causes surnaturelles des désordres & des maux dont nous sommes affligés. En conséquence au lieu de s’adresser à la nature pour découvrir les moyens d’obtenir ses faveurs ou d’écarter ses disgraces ; au lieu de consulter l’expérience ; au lieu de travailler utilement à son bonheur, l’homme ne fut occupé qu’à s’adresser à la cause fictive qu’il avoit gratuitement associée à la nature ; il rendit ses hommages au souverain qu’il lui avoit donné ; il attendit tout de lui & ne compta plus ni sur lui-même ni sur les secours d’une nature devenue impuissante & méprisable à ses yeux.

Rien ne fut plus nuisible au genre-humain que cette extravagante théorie, qui, comme nous le prouverons bientôt, est devenue la source de tous ses maux. Uniquement occupés du monarque imaginaire qu’ils avoient élevé sur le thrône de la nature, les mortels ne la consultèrent plus en rien ; ils négligèrent l’expérience, ils se méprisèrent eux-mêmes, ils méconnurent leurs propres forces, ils ne travaillèrent point à leur propre bien-être, ils devinrent des esclaves tremblans sous les caprices d’un tyran idéal dont ils attendi-