Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/194

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rent tous leurs biens ou dont ils craignirent les maux qui les affligeoient ici bas. Leur vie fut employée à rendre des hommages serviles à une idole dont ils se crurent éternellement intéressés à mériter les bontés, à désarmer la justice, à calmer le courroux ; ils ne furent heureux que lorsque, consultant la raison, prenant l’expérience pour guide, & faisant abstraction de leurs idées romanesques, ils reprirent courage, mirent en jeu leur industrie, & s’adressèrent à la nature, qui seule peut fournir les moyens de satisfaire leurs besoins & leurs desirs, & d’écarter ou diminuer les maux qu’ils sont forcés d’éprouver.

Ramenons donc les mortels égarés aux autels de la nature ; détruisons pour eux les chimeres que leur imagination ignorante & troublée a cru devoir élever sur son trône. Disons leur qu’il n’est rien ni au-dessus d’elle ni hors d’elle ; apprenons leur qu’elle est capable de produire, sans aucuns secours étrangers, tous les phénomènes qu’ils admirent, tous les biens qu’ils désirent, ainsi que tous les maux qu’ils appréhendent. Disons leur que l’expérience conduit à la connoître ; qu’elle se plaît à se dévoiler à ceux qui l’étudient ; qu’elle découvre ses secrets à ceux qui par leur travail osent les lui arracher, & qu’elle récompense toujours la grandeur d’ame, le courage & l’industrie. Disons leur que la raison peut seule les rendre heureux, que cette raison n’est autre chose que la science de la nature appliquée à la conduite de l’homme en société ; disons leur que les phantômes dont leur esprit s’est si longtems & si vainement occupé ne peuvent ni leur procurer le bonheur qu’ils demandent à grands cris, ni détourner de leurs têtes les maux inévitables aux-