Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/204

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belli sa demeure ? Serons-nous plus à portée de connoître ses projets, de deviner son plan, de mesurer sa sagesse avec nos foibles yeux, & pourrons-nous juger ses œuvres d’après nos vues rétrécies ? Les effets bons ou mauvais, favorables ou nuisibles à nous-mêmes, que nous imaginerons partir de sa toute puissance & de sa providence, en seront-ils moins des effets nécessaires de sa sagesse, de sa justice, de ses décrets éternels ? Dans ce cas pouvons-nous supposer qu’un dieu si sage, si juste, si intelligent, changera son plan pour nous ? Vaincu par nos prières & nos hommages serviles, réformera-t-il pour nous plaire ses arrêts immuables ? ôtera-t-il aux êtres leurs essences & leurs propriétés ? Abrogera-t-il, par des miracles, les loix éternelles d’une nature dans lesquelles on admire sa sagesse & sa bonté ? Fera-t-il qu’en notre faveur le feu cesse de brûler, quand nous en approcherons de trop près ? Fera-t-il que la fièvre ou la goutte cessent de nous tourmenter quand nous aurons amassé les humeurs dont ces infirmités sont les suites nécessaires ? Empêchera-t-il qu’un édifice qui tombe en ruine ne nous écrase de sa chûte quand nous passerons à côté de lui ? Nos vains cris & les supplications les plus ferventes empêcheront-ils que notre patrie soit malheureuse quand elle sera dévastée par un conquérant ambitieux ou gouvernée par des tyrans qui l’oppriment ?

Si cette intelligence infinie est toujours forcée de donner un libre cours aux événemens que sa sagesse a préparés ; si rien n’arrive dans ce monde que d’après ses desseins impénétrables, nous n’avons rien à lui demander ; nous serions des insensés de nous y opposer, nous ferions une injure