Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à sa prudence si nous voulions la régler. L’homme ne doit pas se flatter d’être plus sage que son dieu, de pouvoir l’engager à changer de volontés ; de pouvoir le déterminer à prendre d’autres voies que celles qu’il a choisies pour accomplir ses décrets ; un dieu intelligent ne peut avoir pris que les mesures les plus justes & les moyens les plus sûrs pour parvenir à son but ; s’il pouvoit en changer, il ne pourroit être appellé ni sage, ni immuable, ni prévoyant. Si Dieu pouvoit suspendre un instant les loix qu’il a lui-même fixées, s’il pouvoit changer quelque chose à son plan, c’est qu’il n’auroit point prévu les motifs de cette suspension ou de ce changement ; s’il n’a point fait entrer ces motifs dans son plan, c’est qu’il ne les a point prévus ; s’il les a prévus sans les faire entrer dans son plan, c’est qu’il ne l’a point pu. Ainsi, de quelque façon qu’on s’y prenne, les vœux que les hommes adressent à la divinité, & les différens cultes qu’ils lui rendent, supposent toujours qu’ils croyent avoir affaire à un être peu sage, peu prévoyant, capable de changer, ou qui, malgré sa puissance, ne peut faire ce qu’il veut, ou ce qu’il conviendroit aux hommes, pour lesquels on prétend néanmoins qu’il a créé l’univers.

C’est pourtant sur des notions si mal dirigées que sont fondées toutes les religions de la terre. Nous voyons par-tout l’homme à genoux devant un dieu sage dont il s’efforce de régler la conduite, de détourner les arrêts, de réformer le plan ; par-tout l’homme est occupé à le gagner par des bassesses & des présens, à vaincre sa justice à force de prières, de pratiques, de cérémonies, d’expiations qu’il croit capables de lui faire chan-