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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/210

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impossible à croire & répugne à toutes les notions communes. Nous dirons qu’il est impossible de croire bien sincérement l’existence d’un être dont nous n’avons nulle idée réelle, & auquel nous ne pouvons en attacher aucune qui ne se détruise sur le champ. Pouvons-nous croire l’existence d’un être dont nous ne pouvons rien affirmer, qui n’est qu’un amas de négations & de privations de tout ce que nous connoissons ? En un mot est-il possible de croire fermement l’existence d’un être sur lequel l’esprit humain ne peut asseoir aucun jugement qui ne se trouve à l’instant contredit ?

Mais, me dira l’enthousiaste heureux, dont l’ame est sensible à ses jouissances, & dont l’imagination attendrie a besoin de se peindre un objet séduisant à qui elle puisse rendre graces de ses prétendus bienfaits, " pourquoi m’ ôter un dieu que je vois sous les trais d’un souverain rempli de sagesse & de bonté ? Quelle douceur ne trouvé-je point à me figurer un monarque puissant, intelligent & bon dont je suis le favori, qui s’occupe de mon bien-être, qui veille sans cesse à ma sûreté, qui pourvoit à mes besoins, qui consent que sous lui je commande à la nature entière ? Je crois le voir répandre sans cesse ses bienfaits sur l’homme ; je vois sa providence travailler pour lui sans relâche ; elle couvre en sa faveur la terre de verdure & les arbres de fruits délicieux ; elle peuple les forêts d’animaux propres à le nourrir ; elle suspend sur sa tête des astres qui l’éclairent pendant le jour, qui guident ses pas incertains pendant la nuit ; elle étend autour de lui l’azur du firmament ; pour réjouir ses yeux elle orne la prairie de fleurs ; elle arrose son séjour de fontaines, de ruisseaux,