Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/211

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de rivières. Ah ! Laissez-moi remercier l’auteur de tant de bienfaits. Ne m’ ôtez point mon phantôme charmant ; je ne trouverai point mes illusions si douces dans une nécessité sévère, dans une matière aveugle & inanimée, dans une nature privée d’intelligence & de sentiment.

" pourquoi ! " dira l’infortuné, à qui son sort refuse avec rigueur des biens qu’il prodigue à tant d’autres, " pourquoi me ravir une erreur qui m’est chère ? Pourquoi m’anéantir un dieu dont l’idée consolante tarit la source de mes pleurs & sert à calmer mes peines ? Pourquoi me priver d’un objet que je me représente comme un père compâtissant & tendre qui m’éprouve en ce monde, mais dans les bras duquel je me jette avec confiance, lorsque la nature entière semble m’abandonner ? En supposant même que ce dieu n’est qu’une chimere, les malheureux en ont besoin pour se garantir d’un affreux désespoir : n’est-ce pas être inhumain & cruel que de vouloir les plonger dans le vuide en cherchant à les détromper ? Une erreur utile n’est-elle pas préférable à des vérités qui privent l’esprit de toute consolation & qui ne lui montrent aucun soulagement à ses maux ? "

Non, dirai-je à ces enthousiastes, la vérité ne peut jamais vous rendre malheureux ; c’est elle qui console véritablement ; elle est un trésor caché qui, bien mieux que des phantômes inventés par la crainte, peut rassûrer les cœurs & leur donner le courage de supporter les fardeaux de la vie : elle élève l’ame, elle la rend active, elle lui fournit des moyens de résister aux attaques du sort & de