Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/212

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combattre avec succès la fortune ennemie. Je leur demanderai sur quoi ils fondent cette bonté qu’ils attribuent follement à leur dieu. Mais ce dieu, leur dirai-je, est-il donc bienfaisant pour tous les hommes ? Contre un mortel qui jouit de l’abondance & des faveurs de la fortune n’en est-il pas des millions qui languissent dans le besoin & la misère ? Ceux qui prennent pour modèle l’ordre, dont on suppose ce dieu l’auteur, sont-ils donc les plus heureux en ce monde ? La bonté de cet être pour quelques individus favorisés ne se dément-elle jamais ? Ces consolations mêmes que l’imagination va chercher dans son sein n’annoncent-elles pas des infortunes amenées par ses décrets & dont il est l’auteur ? La terre n’est-elle pas couverte de malheureux, qui ne semblent y être venus que pour souffrir, gémir & mourir ? Cette providence divine se livre-t-elle au sommeil durant ces contagions, ces pestes, ces guerres, ces désordres, ces révolutions physiques & morales dont la race humaine est continuellement la victime ? Cette terre dont on regarde la fécondité comme un bienfait du ciel, n’est-elle pas en mille endroits aride & inexorable ? Ne produit-elle pas des poisons à côté des fruits les plus doux ? Ces rivières & ces mers que l’on croit faites pour arroser notre séjour & faciliter notre commerce, ne viennent-elles pas souvent inonder nos campagnes, renverser nos demeures, entraîner les hommes & leurs troupeaux également malheureux ? Enfin ce dieu, qui préside à l’univers & qui veille sans cesse à la conservation de ses créatures, ne les livre-t-il pas presque toujours aux fers de tant de souverains inhumains qui se font un jeu du malheur de leurs sujets, tandis que ces infortunés s’adressent envain au ciel pour faire cesser des ca-