Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/213

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lamités multipliées, visiblement dues à une administration insensée, & non à la colère des cieux.

Le malheureux qui cherche à se consoler dans les bras de son dieu devroit au moins se souvenir que c’est ce même dieu, qui étant le maître de tout, distribue & le bien & le mal : si l’on croit la nature soumise à ses ordres suprêmes, ce dieu est aussi souvent injuste, rempli de malice, d’imprudence, de déraison, que de bonté, de sagesse & d’équité. Si le dévôt moins prévenu & plus conséquent vouloit un peu raisonner, il se défieroit d’un dieu capricieux qui souvent le fait souffrir lui-même ; il n’iroit point se consoler dans les bras de son bourreau qu’il a la folie de prendre pour son ami ou pour son père.

Ne voyons-nous pas en effet dans la nature un mêlange constant de biens & de maux ? S’obstiner à n’y voir que du bien seroit aussi insensé que de vouloir n’y appercevoir que du mal. Nous voyons la sérénité succéder aux orages, la maladie à la santé, la paix à la guerre ; la terre produit en tout pays des plantes nécessaires à la nourriture de l’homme & des plantes propres à le détruire. Chaque individu de l’espèce humaine est un mêlange nécessaire de bonnes & de mauvaises qualités ; toutes les nations nous présentent le spectacle bigarré des vices & des vertus ; ce qui réjouit un individu en plonge beaucoup d’autres dans le deuil & la tristesse ; il n’arrive point d’événemens qui n’aient des avantages pour les uns & des désavantages pour les autres. Les insectes trouvent une retraite sûre dans les débris de ce palais qui vient d’écraser des hommes dans sa chûte. N’est-ce pas pour les corbeaux, les bêtes féroces & les