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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/214

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vers que le conquérant semble livrer des batailles ? Les prétendus favoris de la providence ne meurent-ils pas pour servir de pâture à des milliers d’insectes méprisables dont cette providence paroît aussi occupée que d’eux ? L’halcyon, égayé par la tempête, se joue sur les flots soulevés, tandis que sur les débris de son navire brisé le matelot élève au ciel ses mains tremblantes. Nous voyons les êtres engagés dans une guerre perpétuelle, vivans les uns aux dépens des autres, & profitans des infortunes qui les désolent & les détruisent réciproquement. La nature envisagée dans son ensemble nous montre tous les êtres alternativement sujets au plaisir & à la douleur, naissans pour mourir, exposés à des vicissitudes continuelles dont aucuns d’eux ne sont exempts. Le coup d’œil le plus superficiel suffit donc pour nous détromper de l’idée que l’homme est la cause finale de la création, l’objet constant des travaux de la nature ou de son auteur, à qui l’on ne peut attribuer, d’après l’état visible des choses & les révolutions continuelles de la race humaine, ni bonté, ni malice, ni justice, ni injustice, ni intelligence, ni déraison. En un mot en considérant la nature sans préjugés, nous trouverons que tous les êtres sont également favorisés dans l’univers, & que tout ce qui existe subit des loix nécessaires dont nul être ne peut être excepté.

Ainsi quand il est question d’un agent que nous voyons agir aussi diversement que la nature, ou que son prétendu moteur, il est impossible de lui assigner des qualités d’après ses ouvrages tantôt avantageux & tantôt nuisibles à l’espèce humaine ; ou du moins chaque homme sera forcé d’en juger d’après la façon particulière dont il est