Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/221

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ligence remplie de sagesse, de justice & de bonté ; ce principe seul suffit pour conduire insensiblement aux absurdités les plus grossières quand on voudra se montrer conséquent.

Cela posé, tous ceux qui nous parlent de la bonté, de la sagesse, de l’intelligence divines ; qui nous les montrent dans les œuvres de la nature ; qui nous donnent ces mêmes œuvres comme des preuves incontestables de l’existence d’un dieu ou d’un agent parfait, sont des hommes prévenus ou aveuglés par leur propre imagination, qui ne voyent qu’un coin du tableau de l’univers sans embrasser l’ensemble. Enivrés du phantôme que leur esprit s’est formé, ils ressemblent à ces amans qui n’apperçoivent aucuns défauts dans l’objet de leur tendresse ; ils se cachent, se dissimulent & se justifient ses vices & ses difformités ; ils finissent souvent par les prendre pour des perfections.

L’on voit donc que les preuves de l’existence d’une intelligence souveraine, tirées de l’ordre, de la beauté, de l’harmonie de l’univers, ne sont jamais qu’idéales, & n’ont de la force que pour ceux qui sont organisés & constitués d’une certaine façon, ou dont l’imagination riante est propre à enfanter des chimeres agréables qu’ils embellissent à leur gré. Néanmoins ces illusions doivent souvent se dissiper pour eux-mêmes dès que leur propre machine vient à se déranger ; le spectacle de la nature, qui dans de certaines circonstances leur a paru si séduisant & si beau, doit alors faire place au désordre & à la confusion. Un homme d’un tempérament mélancolique, aigri par des malheurs ou des infirmités, ne peut