Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/222

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voir la nature & son auteur du même œil que l’homme sain, d’une humeur enjouée, content de tout. Privé de bonheur l’homme chagrin ne peut y trouver que désordre, que difformité, que des sujets de s’affliger ; il ne voit l’univers que comme le théâtre de la malice ou des vengeances d’un tyran courroucé ; il ne peut aimer sincérement cet être malfaisant, il le hait au fond du cœur, même en lui rendant les hommages les plus serviles ; il adore en frémissant un monarque haïssable, dont l’idée ne produit dans son ame que les sentimens de la défiance, de la crainte, de la pusillanimité ; en un mot, il devient superstitieux, crédule & très souvent cruel à l’exemple du maître qu’il se croit obligé de servir & d’imiter.

En conséquence de ces idées qui naissent d’un tempérament malheureux & d’une humeur fâcheuse, les superstitieux sont continuellement infectés de terreurs, de défiances & d’allarmes. La nature ne peut avoir des charmes pour eux ; ils ne prennent aucune part à ses scènes riantes ; ils ne regardent ce monde, si merveilleux & si beau pour l’enthousiaste content, que comme une vallée de larmes, dans laquelle un dieu vindicatif & jaloux ne les a placés que pour expier des crimes commis par eux-mêmes ou leurs pères, pour être ici bas les victimes & les jouets de son despotisme, pour y subir des épreuves continuelles afin d’arriver ensuite pour toujours à une existence nouvelle, dans laquelle ils seront heureux ou malheureux, suivant la conduite qu’ils auront tenue à l’égard du dieu fantasque qui tient leur sort dans ses mains.

Ce sont ces idées sombres qui ont fait éclorre