Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/224

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autres que celles du superstitieux atrabilaire que son tempérament rendra lâche & cruel ; cependant les dieux de l’un & de l’autre n’en sont pas moins de chimeres ; celui du premier est le produit de rêves agréables, celui du second est le produit d’un fâcheux transport au cerveau. Il n’y aura jamais qu’un pas du théisme à la superstition. La moindre révolution dans la machine, une infirmité légère, une affliction imprévue suffisent pour altérer les humeurs, pour vicier le tempérament, pour renverser le systême des opinions du théiste ou du dévôt heureux ; aussitôt le portrait de son dieu se trouvera défiguré, le bel ordre de la nature sera renversé pour lui, & la mélancolie le plongera peu-à-peu dans la superstition, dans la pusillanimité & dans tous les travers que produisent le fanatisme & la crédulité.

La divinité, n’existant jamais que dans l’imagination des hommes, doit prendre nécessairement la teinte de leur caractère ; elle aura leurs passions ; elle suivra constamment les révolutions de leur machine, elle sera gaie ou triste, favorable ou nuisible, amie ou ennemie des hommes, sociable ou farouche, humaine ou cruelle, suivant que celui qui la porte dans son cerveau sera lui-même disposé. Un mortel plongé du bonheur dans la misère, de la santé dans la maladie, de la joie dans l’affliction, ne peut dans ces changemens d’états conserver le même dieu. Qu’est-ce qu’un dieu qui dépend à chaque instant des variations que des causes naturelles font subir aux organes des hommes ! étrange dieu, sans doute, que celui dont l’idée flottante ne tient qu’au plus ou moins de chaleur & de fluidité de notre sang !