Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/231

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morales ; qu’un dieu intelligent & sage peut consentir au désordre ; qu’un dieu immuable & juste peut souffrir que l’innocence soit opprimée pour un tems ? Quand on admet un dieu si contradictoire ou si opposé aux lumières du bon sens, il n’est plus rien qui soit en droit de révolter la raison. Dès qu’on suppose un pareil dieu, l’on peut tout croire ; il est impossible de marquer où l’on doit arrêter la marche de son imagination. Si l’on présume des rapports entre l’homme & cet être incroyable, il faut lui élever des autels, lui faire des sacrifices, lui adresser des prières continuelles, lui offrir des présens. Si l’on ne conçoit rien à cet être, le plus sûr n’est-il pas de s’en rapporter à ses ministres, qui par état doivent l’avoir médité pour le faire connoître aux autres ? En un mot il n’est point de révélation, de mystère, de pratique qu’il ne faille admettre sur la parole des prêtres, qui dans chaque pays sont en possession d’apprendre si diversement aux hommes ce qu’ils doivent penser des dieux, & leur suggérer les moyens de leur plaire.

On voit donc que les déistes ou théistes n’ont point de motifs réels pour se séparer des superstitieux, & qu’il est impossible de fixer la ligne de démarcation qui les sépare des hommes les plus crédules ou qui raisonnent le moins sur l’article de la religion. En effet il est difficile de décider avec précision la vraie dose d’inepties que l’on peut se permettre. Si les déistes refusent de suivre les superstitieux dans tous les pas que fait leur crédulité : ils sont plus inconséquens que ces derniers, qui après avoir admis sur parole une divinité absurde, contradictoire, bizarre, adoptent encore sur parole les moyens ridicules & bizarres qu’on leur