Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ainsi les nations, privées d’une administration sensée, de loix équitables, d’institutions utiles, d’une éducation raisonnable, & toujours retenues par le monarque & le prêtre dans l’ignorance & dans les fers, sont devenues religieuses & corrompues. La nature de l’homme, les vrais intérêts de la société, les avantages réels du souverain & du peuple, une fois méconnus, la morale de la nature, fondée sur l’essence de l’homme vivant en société, fut pareillement ignorée. On oublia que l’homme a des besoins, que la société n’est faite que pour lui faciliter les moyens de les satisfaire, que le gouvernement doit avoir pour objet le bonheur & le maintien de cette société ; qu’il doit par conséquent se servir des mobiles nécessaires pour influer sur des êtres sensibles. On ne vit pas que les récompenses & les peines sont les ressorts puissans dont l’autorité publique peut efficacement se servir pour déterminer les citoyens à confondre leurs intérêts & à travailler à leur propre félicité en travaillant à celle du corps dont ils sont membres. Les vertus sociales furent inconnues ; l’amour de la patrie devint une chimere ; les hommes associés n’eurent intérêt qu’à se nuire les uns aux autres & ne songèrent qu’à mériter la bienveillance du souverain, qui se crut lui-même intéressé à nuire à tous.

Voilà comme le cœur humain s’est perverti ; voilà la vraie source du mal moral & de cette dépravation héréditaire, épidémique, invétérée que nous voyons régner sur toute la terre. C’est pour remédier à tant de maux que l’on eut recours à la religion, qui elle-même les avoit produits ; on s’imagina que les menaces du ciel réprimeroient les passions que tout conspiroit à faire naître dans