Aller au contenu

Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dieu changeant & souvent en contradiction avec lui-même, nous empêchera toujours de sçavoir la route que nous devons tenir. Les menaces qu’on nous fera de la part d’un être bizarre, qui sans cesse contredit notre nature dont il est l’auteur, ne fera que rendre la vertu désagréable pour nous ; la crainte seule nous fera pratiquer ce que la raison & notre propre intérêt devroit nous faire exécuter avec joie. Un dieu terrible ou méchant (ce qui est la même chose) ne servira jamais qu’à inquiéter les honnêtes gens, sans arrêter les scélérats ; la plûpart des hommes quand ils voudront pécher ou se livrer à des penchans vicieux ; cesseront d’envisager le dieu terrible pour ne voir que le dieu clément & rempli de bonté ; les hommes n’envisagent jamais les choses que du côté le plus conforme à leurs desirs.

La bonté de Dieu rassûre le méchant, sa rigueur trouble l’homme de bien. Ainsi les qualités que la théologie attribue à son dieu tournent elles-mêmes au désavantage de la saine morale. C’est sur cette bonté infinie que les plus corrompus des hommes osent compter lorsqu’ils sont entraînés dans le crime ou livrés à des vices habituels. Si on leur parle alors de leur dieu, ils nous disent que Dieu est bon, que sa clémence & sa miséricorde sont infinies ; la superstition complice des iniquités des mortels, ne leur répète-t-elle pas sans cesse en tout pays qu’à l’aide de certaines pratiques, de certaines prières, de certains actes de piété l’on peut appaiser le dieu terrible & se faire recevoir à bras ouverts par ce dieu radouci ? Les prêtres de toutes les nations ne possédent-ils pas des secrets infaillibles pour réconcilier les hommes les plus pervers avec la divinité ?