Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/273

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Il faut conclure de là que, sous quelque point de vue que l’on considère la divinité, elle ne peut servir de base à la morale faite pour être toujours invariablement la même. Un dieu irascible n’est utile qu’à ceux qui ont intérêt d’épouvanter les hommes pour recueillir les fruits de leur ignorance, de leurs craintes & de leurs expiations ; les grands de la terre qui sont communément les mortels les plus dépourvus de vertus & de mœurs, ne verront point ce dieu redoutable quand il s’agira de céder à leurs passions ; ils s’en serviront bien pour effrayer les autres afin de les asservir & de les tenir en tutele, tandis qu’ils n’envisageront eux-mêmes ce dieu que sous les traits de sa bonté, ils le verront toujours indulgent sur les outrages que l’on fait à ses créatures pourvu qu’on ait du respect pour lui-même ; d’ailleurs la religion leur fournira des moyens faciles d’appaiser son courroux. Cette religion ne paroit inventée que pour fournir aux ministres de la divinité l’occasion d’expier les crimes de la terre.

La morale n’est point faite pour suivre les caprices de l’imagination, des passions, des intérêts de l’homme : elle doit être stable, elle doit être la même pour tous les individus de la race humaine, elle ne doit point varier d’un pays ou d’un tems à un autre ; la religion n’est point en droit de faire plier ses regles immuables sous les loix changeantes de ses dieux. Il n’y a qu’un moyen de donner à la morale cette solidité inébranlable ; nous l’avons indiqué dans plus d’un endroit de cet ouvrage[1] ; il ne s’agit que de la fonder, ainsi

  1. Voyez la partie première, chapitre VIII de cet ouvrage, ainsi que ce qui est dit au chapitre XII et à la fin du chap. XIV, de la même partis.