Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/303

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n’a jusqu’ici pu acquérir la moindre fixité. Depuis des milliers d’années, ces rêveurs oisifs se sont perpétuellement relayés pour méditer la divinité, pour déviner ses voies cachées, pour inventer des hypothèses propres à développer cette énigme importante. Leur peu de succès n’a point découragé la vanité théologique ; toujours on a parlé de Dieu ; on s’est disputé, on s’est égorgé pour lui, & cet être sublime demeure toujours le plus ignoré & le plus discuté[1].

Les hommes auroient été trop heureux si, se bornant aux objets visibles qui les intéressent, ils eussent employé à perfectionner leurs sciences réelles, leurs loix, leur morale, leur éducation ; la moitié des efforts qu’ils ont mis dans leurs recherches sur la divinité. Ils auroient été bien plus sages encore & plus fortunés, s’ils eussent pu consentir à laisser leurs guides désœuvrés se quéreller entr’eux, & sonder des profondeurs capables de les étourdir, sans se mêler de leurs disputes insensées. Mais il est de l’essence de l’ignorance d’attacher de l’importance à ce qu’elle ne comprend pas. La vanité humaine fait que l’esprit se roidit contre les difficultés. Plus un objet se dérobe à nos yeux, plus nous faisons d’efforts pour le saisir, parce que dès-lors il aiguillone notre or-

  1. Si l’on examinait les choses de sang froid, l’on reconnaîtrait que la religion n’est faite aucunement pour le plus grand nombre des hommes, qui sont dans l’impossibilité de rien comprendre aux subtilités aeriennes sur lesquelles on l’appuie. Quel est l’homme’ qui conçoive quelque chose aux principes fondamentaux de sa religion, à la spiritualité de Dieu, à l’immatérialité de l’âme, aux mystères dont on lui parle tous les jours ? Est-il bien des gens qui puissent se vanter d’être au fiait de l’état de la question dans les spéculations théologiques, souvent en possession de troubler le repos des peuples ? Cependant les femmes mêmes se croient obligées de prendre part à des querelles excitées par des contemplateurs oisifs, moins utiles à la société que le plus vil des artisans.