Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/325

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ne voit son dieu que comme un père bienfaisant : le plus grand nombre des mortels ne le verra que comme un sultan redoutable, un tyran désagréable, un génie cruel & pervers. Ainsi ce dieu sera toujours pour la race humaine un levain dangereux, propre à l’aigrir & à la mettre dans une fermentation fatale. Si l’on peut laisser au dévôt paisible, humain & modéré le dieu bon qu’il s’est formé selon son propre cœur, l’intérêt du genre-humain exige que l’on renverse une idole enfantée par la crainte, nourrie par la mélancolie, dont l’idée & le nom ne sont propres qu’à remplir l’univers de carnage & de folies.

Ne nous flattons point cependant que la raison puisse délivrer tout d’un coup la race humaine des erreurs dont tant de causes réunies s’efforcent de l’empoisonner. Le plus vain des projets seroit l’espoir de guérir en un instant des erreurs épidémiques, héréditaires, enracinées depuis tant de siécles & continuellement alimentées & corroborées par l’ignorance, les passions, les habitudes, les intérêts, les craintes, les calamités toujours renaissantes des nations. Les anciennes révolutions de la terre ont fait éclore ses premiers dieux, de nouvelles révolutions en produiroient de nouveaux si les anciens venoient à s’oublier. Des êtres ignorans, malheureux & tremblans se feront toujours des dieux ; ou leur crédulité leur fera recevoir ceux que l’imposture ou le fanatisme voudront leur annoncer.

Ne nous proposons donc que de montrer la raison à ceux qui peuvent l’entendre ; de présenter la vérité à ceux qui peuvent soutenir son éclat ; de détromper ceux qui ne voudront point opposer des obstacles à l’évidence & qui ne s’ob-