Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/340

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notions merveilleuses qui ne paroissent des vérités incontestables qu’à ceux qui ne les ont jamais examinées d’après les règles du bon sens.

Nous conviendrons avec Derham que les athées sont rares ; la superstition a tellement fait méconnoître la nature & ses droits ; l’enthousiasme a tellement ébloui l’esprit humain ; la terreur a tellement troublé le cœur des hommes ; l’imposture & la tyrannie ont tellement enchaîné la pensée ; enfin l’erreur, l’ignorance & le délire ont tellement embrouillé les idées les plus claires, que rien n’est moins commun que de trouver des hommes assez courageux pour se détromper des notions que tout conspiroit à identifier avec eux. En effet, plusieurs théologiens, malgré les invectives dont ils accablent les athées, semblent souvent avoir douté s’il en existoit dans le monde, ou s’il y avoit des gens qui pussent nier de bonne foi l’existence d’un Dieu[1]. Leur doute étoit, sans doute, fondé sur les idées absurdes qu’ils prêtoient à leurs adversaires, qu’ils ont sans cesse accusés de tout attribuer au hazard, à des causes aveugles, à une matière inerte & morte, incapable d’agir par elle-même. Nous avons, je pense, suffisamment justifié

  1. Les mêmes gens qui trouvent que l’athéisme est un système si étrange aujourd’hui, avouent qu’il a pu y avoir des athées autrefois. Quoi donc ? Est-ce que la nature nous a moins doués de raison que les hommes d’autrefois ? Où serait-ce que le Dieu d’aujourd’hui serait moins absurde que les dieux de l’antiquité ? Le genre humain aurait-il acquis des lumieres sur le compte de ce moteur caché de la nature ? Le dieu de la mythologie moderne, rejeté par Vanini, Hobbes, Spinosa et quelques autres, est-il donc plus croyable que les dieux de la mythologie payenne rejetés par Epicure, Straton, Théodore, Diagoras, etc ? Tertulien prétendait que le christianisme avait dissipé l’ignorance dans laquelle les Payens étaient sur l’essence divine, et qu’il n’y avait pas d’artisans parmi les chrétiens qui ne vît Dieu et qui ne le connût. Cependant Tertulien lui-même admettait un Dieu corporel, et partant était un athée, d’après les notions de la théologie moderne. Voyez la note 1 du Chap. VI, page 181 de ce volume.