Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/348

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heur réciproque. Peut-on supposer qu’un homme capable d’expérience, pourvu des plus foibles lueurs du bon sens, pût se permettre la conduite que l’on prête ici à l’athée, c’est-à-dire, à un homme assez susceptible de réflexion pour se détromper par le raisonnement de préjugés que tout s’efforce de lui montrer comme importans & sacrés ! Peut-on, dis-je, supposer dans aucune société policée un citoyen assez aveugle pour ne pas reconnoître ses devoirs les plus naturels, ses intérêts les plus chers, les dangers qu’il coureroit en troublant ses semblables ou en ne suivant d’autre règle que ses appétits momentanés ? Un être qui raisonne le moins du monde n’est-il pas forcé de sentir que la société lui est avantageuse, qu’il a besoin de secours, que l’estime de ses pareils est nécessaire à son bonheur, qu’il a tout à craindre de la colère de ses associés ; que les loix menacent quiconque ose les enfreindre ? Tout homme qui a reçu une éducation honnête, qui a dans son enfance éprouvé les tendres soins d’un père, qui par la suite a goûté les douceurs de l’amitié, qui a reçu des bienfaits, qui connoît le prix de la bienveillance & de l’équité, qui sent les douceurs que nous procure l’affection de nos semblables, & les inconvéniens qui résultent de leur aversion & de leurs mépris, n’est-il pas forcé de trembler de perdre des avantages si marqués & d’encourir par sa conduite des dangers si visibles ? La honte, la crainte, le mépris de lui-même ne troublent-ils point son repos toutes les fois que rentrant en soi il se verra des mêmes yeux que les autres ? N’y a-t-il donc des remords que pour ceux qui croient un dieu ? L’idée d’être vû par un être, dont on n’a tout au plus des notions très vagues, est-elle plus forte que l’idée d’être vû par des hom-