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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/349

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mes, d’être vû par soi-même, d’être forcé de craindre, d’être dans la cruelle nécessité de se haïr & de rougir en pensant à sa conduite & aux sentimens qu’elle doit infailliblement attirer ?

Cela posé, nous répondrons pied à pied à cet Abbadie. Qu’un athée est un homme qui connoit la nature & ses loix, qui connoit sa propre nature, qui sçait ce qu’elle lui impose : un athée a de l’expérience, & cette expérience lui prouve à chaque instant que le vice peut lui nuire, que ses fautes les plus cachées, que ses dispositions les plus secrètes peuvent se déceler & se montrer au grand jour : cette expérience lui prouve que la société est utile à son bonheur ; que son intérêt exige donc qu’il s’attache à la patrie qui le protége & qui le met à portée de jouir en sûreté des biens de la nature ; tout lui montre que pour être heureux il doit se faire aimer ; que son père est pour lui le plus sûr des amis ; que l’ingratitude éloigneroit son bienfaiteur de lui ; que la justice est nécessaire au maintien de toute association, & que nul homme, quelque soit sa puissance, ne peut être content de lui-même, quand il sçait être l’objet de la haine publique.

Celui qui a mûrement réfléchi sur lui-même, sur sa propre nature & sur celle de ses associés, sur ses propres besoins, sur les moyens de se les procurer, ne peut s’empêcher de connoître des devoirs, de découvrir & ce qu’il se doit à lui-même & ce qu’il doit aux autres : il a donc une morale ; il a des motifs réels pour s’y conformer ; il est forcé de sentir que ces devoirs sont nécessaires ; & si sa raison n’est pas troublée par des passions aveugles ou par des habitudes vicieuses, il