Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/357

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& que les dieux une fois détruits, il ne restoit plus de nœuds pour lier les mortels. Cependant la moindre réflexion leur eût prouvé que la morale est fondée sur des rapports immuables subsistans entre des êtres sensibles, intelligens, sociables ; que sans vertu nulle société ne peut se maintenir ; que sans mettre un frein à ses desirs, nul homme ne peut se conserver. Les hommes sont contraints par leur nature d’aimer la vertu & de redouter le crime par la même nécessité qui les oblige à chercher le bien-être & à fuir la douleur ; cette nature les force à mettre de la différence entre les objets qui leur plaisent & ceux qui leur nuisent. Demandez à un homme assez insensé pour nier la différence du vice & de la vertu, s’il lui seroit indifférent d’être battu, volé, calomnié, payé d’ingratitude, deshonoré par sa femme, insulté par ses enfans, trahi par son ami ? Sa réponse vous prouvera que, quoiqu’il en puisse dire, il met de la différence entre les actions des hommes ; & que la distinction du bien & du mal ne dépend nullement ni des conventions des hommes, ni des idées que l’on peut avoir sur la divinité, ni des récompenses ou de châtimens qu’elle prépare dans une autre vie.

Au contraire un athée qui raisonneroit avec justesse devroit se sentir bien plus intéressé qu’un autre à pratiquer les vertus auxquelles son bien-être se trouve attaché dans ce monde. Si ses vues ne s’étendent pas au-delà des bornes de son existence présente, il doit au moins desirer de voir couler ses jours dans le bonheur & dans la paix. Tout homme qui dans le calme des passions se repliera sur lui-même sentira que son intérêt l’invite à se conserver, que sa félicité demande qu’il