récompenses, & les maux, comme des châtimens mérités. Le systême de la liberté de l’homme ne semble inventé que pour le mettre à portée d’offenser son dieu, & pour justifier celui-ci du mal qu’il fit à l’homme pour avoir usé de la liberté funeste qu’il lui avoit donnée.
Ces notions ridicules & contradictoires servirent néanmoins de base à toutes les superstitions du monde ; toutes ont cru par là rendre compte de l’origine du mal, indiquer la cause pour laquelle le genre-humain éprouvoit des misères. Cependant les hommes ne purent se dissimuler que souvent ils souffroient ici bas sans qu’aucun crime de leur part, sans qu’aucune transgression connue eût provoqué la colère de leur dieu ; ils virent que ceux-mêmes qui remplissoient le plus fidélement ses ordres prétendus, étoient souvent enveloppés dans une ruine commune avec les téméraires violateurs de ses loix. Accoutumés à plier sous la force, à la regarder comme donnant des droits, à trembler sous leurs souverains terrestres, à leur supposer la faculté d’être iniques, à ne jamais leur disputer leurs titres, à ne point critiquer la conduite de ceux qui ont la puissance en main, les hommes osèrent encore bien moins critiquer la conduite de leur dieu ou l’accuser d’une cruauté non motivée. D’ailleurs les ministres du monarque céleste inventèrent des moyens de le disculper, & de faire retomber sur les hommes eux-mêmes la cause des maux ou des châtimens qu’ils éprouvoient ; en conséquence de la liberté qu’ils prétendirent avoir été donnée aux créatures, ils supposèrent que l’homme avoit péché, que sa nature s’étoit pervertie, que toute la race humaine portoit la peine encourue par les fautes