Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/75

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anité qui ne désirât de tout son cœur de rendre ses semblables heureux ? Si Dieu surpasse en bonté tous les êtres de l’espèce humaine, pourquoi ne fait-il point usage de sa puissance infinie pour les rendre tous heureux ? Cependant nous voyons que sur la terre presque personne n’a lieu d’être satisfait de son sort. Contre un mortel qui jouit, on en voit des millions qui souffrent ; contre un riche qui vit dans l’abondance, il est des millions de pauvres qui manquent du nécessaire ; des nations entières gémissent dans l’indigence pour satisfaire les passions de quelques princes, de quelques grands que toutes leurs vexations ne rendent pas plus fortunés pour cela. En un mot, sous un dieu tout puissant, dont la bonté n’a point de bornes, la terre est par-tout arrosée des larmes des misérables. Que répond-on à tout cela ? On nous dit, froidement, que les jugemens de Dieu sont impénétrables ; en ce cas, demanderai-je, de quel droit voulez-vous en raisonner ? Sur quel fondement lui attribuez-vous une vertu que vous ne pouvez point pénétrer ? Quelle idée vous formez-vous d’une justice qui ne ressemble jamais à celle de l’homme ?

On nous dit que la justice de Dieu est balancée par sa clémence, sa miséricorde & sa bonté. Mais qu’entendons-nous par clémence ? N’est-elle pas une dérogation aux règles sévères d’une justice exacte & rigoureuse, qui fait que l’on remet à quelqu’un le châtiment qu’il avoit mérité ? Dans un prince, la clémence est, ou une violence de la justice, ou l’exemption d’une loi trop dure : les loix d’un dieu infiniment bon, équitable & sage peuvent-elles donc être trop sévères, & s’il est vraiment immuable peut-il y déroger un in-