parle doit être exempt de cette passion ; il n’a point de semblables, il n’a point d’émules, il ne peut s’offenser des idées que l’on a de lui, sa puissance ne peut souffrir aucune diminution, rien ne peut troubler son éternelle félicité, ne faut-il pas en conclure qu’il ne peut être ni susceptible de désirer la gloire, ni sensible aux louanges & à l’estime des hommes ? Si ce dieu est jaloux de ses prérogatives, de ses titres, de son rang, de sa gloire, pourquoi souffre-t-il que tant d’hommes puissent l’offenser ? Pourquoi permet-il que tant d’autres aient de lui des opinions si défavorables ? Pourquoi s’en trouve-t-il quelques-uns qui ont la témérité de lui refuser l’encens dont son orgueil est si flatté ? Comment permet-il qu’un mortel comme moi ose attaquer ses drois, ses titres, son existence même ? C’est pour te punir, direz-vous, d’avoir abusé de ses graces. Mais pourquoi permet-il que j’abuse de ses graces ? Ou pourquoi les graces qu’il me donne ne sont-elles pas suffisantes pour me faire agir selon ses vues ? C’est qu’il t’a fait libre. Pourquoi m’a-t-il accordé une liberté dont il devoit prévoir que je pourrois abuser ? Est-ce donc un présent bien digne de sa bonté qu’une faculté qui me met à portée de braver sa toute puissance, de lui débaucher ses adorateurs, de me rendre moi-même éternellement malheureux ? N’eût-il pas été plus avantageux pour moi de n’être jamais né, ou du moins d’avoir été mis au rang des brutes ou des pierres, que d’être malgré moi placé parmi les êtres intelligens pour y exercer le fatal pouvoir de me perdre sans ressources, en outrageant ou en méconnoissant l’arbitre de mon sort ? Dieu n’eût-il pas bien mieux montré sa bonté toute puissante à mon égard, & n’eût-il pas travaillé plus efficacement à sa propre gloire
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