Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/84

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pour base un Dieu despote ; mais le despotisme n’est-il pas un pouvoir injuste & déraisonnable ? Attribuer à la divinité l’exercice d’un tel pouvoir n’est-ce pas sapper également sa bonté, sa justice, sa sagesse infinies ? Les hommes en voyant les maux dont souvent ils se trouvent assaillis en ce monde, sans pouvoir deviner par où ils ont pu s’attirer la colère divine, seront toujours tentés de croire que le maître de la nature est un sultan, qui ne doit rien à ses sujets, qui n’est point obligé de leur rendre aucuns comptes, qui n’est point tenu de se conformer aux loix, qui n’est pas lui-même soumis aux règles qu’il prescrit aux autres, qui peut en conséquence être injuste, qui a le droit de pousser sa vengeance au delà de toutes les bornes. Enfin des théologiens ont prétendu que Dieu seroit le maître de détruire & de replonger dans le cahos l’univers, que sa sagesse en avoit tiré ; tandis que ces mêmes théologiens, nous citent l’ordre & l’arrangement merveilleux de cet univers comme la preuve la plus convaincante de son existence[1].

En un mot la théologie met au nombre des qualités de Dieu le privilége incommunicable d’agir contre toutes les loix de la nature & de la raison, tandis que c’est sur sa raison, sa justice, sa sagesse, sa fidélité à remplir ses engagemens prétendus, que l’on veut établir le culte que nous lui devons & les devoirs de la morale. Quelle mer de contradictions ! Un être qui peut tout & qui ne doit rien à personne, qui dans ses décrets éternels peut les choisir ou les rejetter, les pré-

  1. Nous concevons au moins, dit le docteur Gastrell, que Dieu pourrait bouleverser l’univers & le replonger dans le cahos. Votez Défense de la religion tant naturelle que révélée.