Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/246

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Sur ces mots apparaît l’Aurore chrysotrône,
Et dans l’île s’enfuit ma nymphale patronne.
Je retourne au navire et j’exhorte les miens
À s’embarquer de suite, à détacher l’amarre.
Ils montent vivement, reprennent l’aviron,
Et la mer, à leurs chocs, d’écume se chamarre.
Derrière la trirème au bleuâtre éperon
Circé, la dive euphone, à belle chevelure,
Expédie un vent tiède, en ami nous suivant.

Lorsque tout est en ordre, et grément et voilure,
Nous repartons, guidés par le naute et ce vent.

Alors à mes compains je dis, plein de tristesse :
« Amis, il ne sied pas qu’un ou deux seulement
Sachent ce qu’a prédit Circé, noble déesse.
Je vais donc vous l’apprendre, afin que sciemment
On sombre ou l’on échappe aux Kéres inhumaines.
Elle veut que d’abord nous évitions les voix
Et la prairie en fleurs des deux belles Sirènes.
Seul, je puis écouter ; mais de liens étroits
Qu’on m’attache debout au pied de la mâture,
Pour que je reste là sans faire un mouvement.
Que si de les briser soudain je vous adjure,
Redoublez-en le nombre impitoyablement. »

Je découvrais ainsi chaque chose à ma troupe.
Pendant cet entretien le solide voilier
À l’île Sirénide arrivait vent en poupe.
La brise bientôt cesse, un calme régulier
Lui succède ; un démon vient assoupir les lames.
Mes marins, se levant, roulent en mille plis