Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/248

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D’énormes flots, j’entends un immense fracas.
La rame glisse aux mains de l’équipe alarmée
Et flotte pesamment sur le liquide amas.
Faute d’impulsion, la nef reste immobile.
Moi, parcourant le pont, j’anime mes compains,
En tenant à chacun ce langage tranquille :
« Très chers, nous sommes faits à ces dangers soudains ;
On en vit de plus grands, alors que Polyphème
Par force nous retint dans son antre profond.
Pourtant je vous sauvai, sage et brave à l’extrême.
Donc vous rirez un jour de ce qui vous confond.
Allons ! obéissez trétous à votre maître ;
Raffermis sur vos bancs, frappez à tour de bras
Le dos tumultueux de la mer : Zeus peut-être
Nous permettra de fuir, d’éviter le trépas.
Toi, pilote, voici mes ordres ; dans ton âme
Grave-les, car tu tiens le timon rassurant :
Fuis loin de ces brouillards, de ce gouffre qui brame ;
Pousse vers l’autre écueil, de peur que le courant
Ne nous porte là-bas, que par toi l’on n’y reste ! »

Je dis ; tous d’obéir, à leur rôle attachés.
Point ne parlai de Scylle, inévitable peste,
Craignant que mes marins, leurs avirons lâchés,
N’allassent se blottir au fond de la trirème.
Mais de Circé j’oublie un pénible conseil,
Celui de m’abstenir d’une armure suprême.
Ayant donc revêtu mon bellique appareil,
Pris en main deux longs dards, je m’avance à la proue
Du vaisseau : là j’espère apercevoir d’abord
La rocheuse Scylla qui nous promet la mort.
Je ne puis la trouver ; mon œil en vain se cloue