Scène I
Qu'on m'amène mon fils. Que mon âme est émue !
Quel sera le succès d'une si triste vue !
Si toujours inflexible il brave encor mes lois,
Je vais donc voir mon fils pour la dernière fois. [810]
N'ai-je par tant de voeux obtenu sa naissance ;
N'ai-je avec tant de soins élevé son enfance ;
Et formé sur mes pas au mépris du repos,
Ne l'ai-je vu si tôt égaler les héros,
Que pour avoir à perdre une tête plus chère ! [815]
N'était-il donc, ô ciel, qu'un don de ta colère !
Seul, tu me consolais, mon fils ; et sans chagrin,
Je sentais de mes jours le rapide déclin :
Dans un digne héritier je me voyais renaître :
Je croyais à mon peuple élever un bon maître ; [820]
Et de ton règne heureux, présageant tout l'honneur,
D'avance je goûtais ta gloire et leur bonheur !
Que devient désormais cette douce espérance !
Tu n'es plus que l'objet d'une juste vengeance.
Ton père et tes sujets vont te perdre à la fois ; [825]
Ta mort est aujourd'hui le bien que je leur dois.
Ta mort ! Et cet arrêt sortirait de ma bouche !
La nature frémit d'un devoir si farouche.
Je dois te condamner : mais mon coeur combattu