Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/300

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Sur le rivage alors poursuivoit son Astrée ;
Il vouloit l’attendrir ; hélas ! C’étoit en vain ;
La belle pour tout prix de s’en voir adorée,
Ne lui rendoit que froideur, que dédain.
Quoi ! Dit-il ; toûjours insensible !
À quel prix donc vous mettez-vous ?
Parlez ; je ferai l’impossible.

Soit, lui dit-elle ; engageons-nous ;
Mais à condition, pour vous prendre à la lettre,
Qu’à mes pieds vous allez remettre
Ce monstre qui nous brave tous.

L’amant rêve, médite avant que de promettre ;
Puis trouvant ce qu’il a cherché,
À la clause, dit-il, il faut bien se soûmettre ;
Allons, c’est vous avoir encor à grand marché.

Il se munit de sa massuë,
De deux tampons de bois ; et voilà l’homme à l’eau.
Conduit par son espoir nouveau,
Des ses deux bras nerveux il fend la mer émuë,
Aborde la baleine, et sans civilité
Grimpe au dos de sa majesté.
De ses mugissemens elle fait trembler l’onde,
Non pas l’amant : en vain de ses nazeaux,
Comme rapides traits elle lance les eaux ;
Il prend son temps le mieux du monde :
De sa massuë il enfonce un tampon
Dans un nazeau, puis l’autre ; il vous la coule à fond :
Elle étouffe, et sur le rivage