On vouloit consulter le droit et la raison.
Le prince basilic disoit que la nature
L’avoit désigné roi, qu’il naissoit couronné,
Que ses regards au loin portoient une mort sûre,
Marque encor qu’à regner il étoit destiné.
Qu’il ne rampoit jamais, nouvelle bienséance
Nécessaire à la dignité.
Enfin qu’il étoit fait pour être majesté.
Et qu’il s’étonne qu’on balance.
Son discours finissoit par-là :
Le dragon à son tour traita de bagatelles
Les raisons que l’autre étala.
Il est né couronné : mais qu’est-ce que cela ?
Un ornement, il faut des qualités réelles.
Ses yeux portent au loin des atteintes mortelles ;
Tant pis, que feriez-vous d’un cruel Attila ?
Il ne rampe jamais, mais en va-t-il plus vîte ?
Un vil terrier en est-il moins son gîte ?
Quant à moi, messieurs, me voilà.
Vous voyez de mes yeux les vives étincelles ;
Mais contens d’effrayer ils n’ont point de venin :
Vous connoissez ma force et mon courage, enfin
Je sçai veiller, j’ai des pieds et des aîles,
Et de plus pour oüir l’organe le plus fin.
J’ai dit : seigneurs serpens, c’est à votre prudence
À voir qui de nous deux doit vous donner la loi.
Le dragon d’une voix eût la toute-puissance,
Le prince basilic s’en plaignit fort : mais quoi,
La couronne fait-elle un roi ?
Non ; c’est talent, courage et vigilance.
Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/346
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée