Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/168

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poésie pour leur vie, afin de n’avoir pas la peine d’en faire un livre. J’aimais trop Théophile Gautier pour le faire écrire beaucoup ; mais il nous donnait les meilleurs de ses paradoxes ; de Molènes seul osait entrer en lutte avec lui. Quelle fête de temps perdu, dans ce salon du quai Malaquais, quand nous étions tous là, révolutionnaires intrépides, escaladant le Parnasse pour y porter une main sacrilège sur tous les dieux de convention, sur tous les usurpateurs qui ont étouffé le génie insouciant et paresseux ! Combien peu de poètes et d’artistes consacrés restaient debout sur leur tombe orgueilleuse ! C. Lafayette, avec sa voix sonore et sa phraséologie originale, était longtemps écouté pour l’imprévu de son éloquence. Esquiros, autre Saint-Just, beau, grave et triste, apportait son insouciance de philosophe antique et le calme rayonnant de l’apôtre montagnard. Pelletan accablait avec ironie les parvenus de l’art, de la poésie et de la science. Plus d’un membre de l’Académie des beaux-