Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/176

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invités que ces jours-là, car madame Sand ne voulait pas voir Sandeau, dans la peur de se reprendre à son ancienne passion ; d’ailleurs depuis son aventure avec Alfred de Musset, elle avait banni les poètes de sa république.

En ce temps-là, madame Sand avait une cuisinière et une petite trotte-menu, amenées de Nohant. La petite trotte-menu se nommait Éléonore ; c’était une fillette bien éveillée qui ne doutait de rien. On faisait un doigt de cour à sa jolie moue, à ses beaux yeux et à ses belles dents ; mais invariablement elle répondait : « Il est trop tard ; j’ai donné mon cœur. » Celui qui possédait un pareil trésor était un invincible paysan des environs de Nohant.

Ce beau rustre avait conquis la petite Éléonore en pleurant dans ses cheveux, sous prétexte qu’il la quitterait bientôt pour aller faire la guerre aux ennemis, c’est-à-dire qu’il avait pris un mauvais numéro, et qu’il lui fallait partir ou acheter un remplaçant. On était en 1848.