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POINTE-AUX-ANGLAIS — ÎLE-AUX-ŒUFS, ETC.

profondeurs orageuses du golfe. — Que de navires, sans le savoir, furent sauvés, ces années-là, par l’héroïsme obscur de Paul Côté, de sa femme et de ses filles, les demoiselles Pelletier. »[1]

En 1711, il n’y avait pas de phare sur l’île aux Œufs ; mais, dans la nuit du 22 août, il y avait un épais brouillard, et le vent soufflait avec violence. Il y avait encore, dans les alentours, une belle flotte d’environ quatre-vingts vaisseaux qui, commandée par l’amiral Sir Hovenden Walker, s’en allait prendre Québec. Or, il arriva que, au milieu de ce brouillard, on ne connut plus où l’on était ; croyant aller vers le sud, on se dirigea vers le nord, et huit gros vaisseaux se brisèrent sur les rochers de l’île aux Œufs et de la côte du nord ; onze cents hommes périrent dans ce naufrage. Les Anglais en eurent assez de ce désastre, et s’en retournèrent chez eux, pendant que nos pères remerciaient la Providence d’avoir sauvé la colonie. Ce fut à la suite de cet événement que la petite église de la basse-ville de Québec, que l’on nommait « Notre-Dame-de-la-Victoire », reçut désormais l’appellation de « Notre-Dame-des-Victoires » qu’elle retient encore. L’endroit même du désastre, sur la côte, s’appelle maintenant Pointe-aux-Anglais, et ce nom conservera longtemps la mémoire du funeste événement.

La longue batture qui s’avance dans la mer, vis-à-vis l’île aux Œufs, et qui porte plus particulièrement ce nom de « Pointe-aux-Anglais », est toute recouverte d’énormes roches ; et l’on ne peut s’empêcher de frémir à la pensée des beaux navires, chargés d’officiers et de soldats accompagnés de leurs familles, qui vinrent se jeter sur un rivage si périlleux.

En 1712 et pendant les années suivantes, on rapporta, de cette partie de la côte, des armes et des articles de toute nature, dont on fit encan à Québec. Même aujourd’hui, les flots laissent parfois à découvert des canons et des pièces d’armure, souvenirs du terrible désastre. Durant notre séjour à la Pointe--

  1. Les Îles. — Dans le golfe Saint-Laurent.