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LABRADOR ET ANTICOSTI

nent mille livres sur la plaine ou sur la glace des baies, ou encore trois personnes, avec une vitesse moyenne de trois lieues à l’heure durant toute une journée.

Quand la route a été bien longue, et que surtout elle a été rendue plus fatigante par une couche de neige trop molle, on voit les chiens donner des signes de lassitude, se décourager, parfois même se révolter et refuser d’aller plus loin. C’est alors au conducteur à les exciter de la voix, à courir même en avant. Il aura d’autant plus d’empire sur eux que, durant le voyage, il aura usé de tact à leur égard, et ne les aura pas gourmandés à l’excès.

En dernier ressort, il y a le fouet, le terrible fouet. Voici ce qu’en écrivait l’abbé Ferland : « Le fouet est un instrument formidable, devant lequel les chiens fuient, même en été. Au milieu de leurs batailles les plus acharnées, il suffit de le leur montrer pour rétablir la paix… Un bon fouet a une longueur de dix à douze brasses : il est attaché à un manche long de cinq ou six pouces ; lorsqu’on ne s’en sert point, on le laisse traîner derrière le cométique. Pour les personnes qui ne sont pas accoutumées dès l’enfance à le faire jouer, il constitue un embarras sérieux à cause de sa longueur ; mais dans les mains d’un Esquimau ou d’un homme élevé sur la Côte, il devient une arme puissante. Le bout du fouet va choisir à quarante ou cinquante pieds le chien paresseux ou grognard ; le claquement produit un son si éclatant que l’animal le plus endormi en trépigne d’épouvante. Un seul coup, appliqué à une grande portée, couperait un chien en deux. »[1]

Quand la neige est durcie, et surtout lorsqu’on peut voyager sur la glace des baies profondes, les trajets se font avec une grande rapidité, comme je l’ai déjà mentionné. Les courriers de la poste, de Natashquan à Blanc-Sablon, parcourent jusqu’à trente-cinq lieues par jour. C’est bien là, pour de si petits coursiers, ce qu’on peut appeler dévorer l’espace. C’est même

  1. Le Labrador