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LABRADOR ET ANTICOSTI

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Cette colonie date de 1855, et fut établie par une dizaine de familles des îles de la Madeleine : savoir quatre ou cinq familles de Vigneau, deux de Cormier, une de Landry, de Giasson, peut-être aussi de Bourgeois. L’un des anciens que j’interrogeai sur le passé, M. Jean Vigneau, faisait partie de ce premier groupe d’immigrants ; M. Isidore Landry, l’autre vieillard dont j’ai pu aussi recueillir les souvenirs, arriva ici vers 1858. Quel charme il y avait à entendre causer ces vieux Acadiens, dont l’intelligence est remarquable ! La pointe d’esprit gaulois ne manque pas à leur discours ; ce sont bien des Français ! Dans une si longue carrière de pêcheur, ils ont sur la conscience le trépas d’innombrables loups marins, morues, harengs ; mais que d’actes de vertus domestiques, sociales, religieuses, ont rempli leur existence ! Malgré bien des traverses, des contrariétés, des douleurs même, ces hommes ont été heureux, parce qu’ils ont été fidèles à la loi de Dieu. Ce sont ces hommes-là qui, sans qu’ils s’en doutent seulement, font les grands peuples. Il y a heureusement beaucoup de ces nobles caractères parmi les Français d’Amérique, et c’est pourquoi il faut avoir une invincible foi dans l’avenir de notre chère Nouvelle-France.

Toutes les familles arrivées en 1855 venaient de l’île Amherst. Peu de temps après, d’autres familles du même endroit les rejoignirent à Natashquan.

Quand ces colons arrivèrent à Natashquan, ils n’y trouvèrent qu’un poste de la Compagnie de la baie d’Hudson, établi à l’entrée du Grand-Natashquan, où il est encore aujourd’hui. Beaucoup de sauvages venaient alors passer l’été à Natashquan, et l’on vit leurs campements compter jusqu’à cent cabanes. Mais aujourd’hui quand on y voit dix de ces « villas », c’est un peu exceptionnel. Cet état de choses tient moins à la diminution qui a pu se produire dans le nombre des aborigènes,