Par exemple, les pêcheurs arrivent bien rarement à la richesse. Mais on en peut dire presque autant des ouvriers de nos villes. Il est vrai que ces derniers jouissent ordinairement de plus de confortable.
Durant l’été, personne ne meurt de faim, au Labrador. L’automne venu et la pêche terminée, il est rare que l’on n’ait point une somme d’argent plus ou moins importante pour aller faire des emplettes à Québec.
Oh ! ce voyage d’automne ! On en rêve longtemps d’avance.
D’abord, on ne le fera pas sur le Str Otter. Cela coûterait bien trop cher. Mais on a sa goélette ; ou bien, on est l’ami du beau-frère ou du cousin de quelqu’un qui possède une goélette. On s’embarque donc, avec quelques barils de hareng et de morue verte que l’on vendra à Québec. La compagnie est ordinairement nombreuse sur le petit vaisseau, et l’on y mènerait agréable vie, si le voyage n’était pas si rude à cette époque de l’année. Comme il suffit que l’on parte sur un voilier quelconque pour que le vent devienne obstinément contraire, le trajet est long. La température est froide ; le logement et la nourriture laissent beaucoup à désirer. N’importe ! On finit, au bout de plus ou moins de semaines, par arriver à Québec. On y vend son bon hareng et sa bonne morue du Labrador. Puis on achète d’innombrables choses : des étoffes, de la batterie de cuisine, de la vaisselle, de la farine, des conserves, des bonbons pour les enfants, des clous, des planches de beau bois, des outils, etc., etc. Et l’on paie tout cela rubis sur l’ongle, à l’ébahissement des bons marchands québecquois, qui voudraient bien que tous leurs chalands fussent en cette matière des Labradoriens.
Lorsque toutes les affaires de vente et d’achat sont heureusement terminées, on fait un pèlerinage à la Bonne-Sainte-Anne : l’épouse l’avait trop bien recommandé, pour qu’on l’oublie. Tantôt, c’est pour remplir un vœu que l’on avait fait