que ce pays doit être totalement ignoré de presque tous les Canadiens.
Pourtant, je croyais en connaître quelque chose. Hôte fréquent du palais épiscopal d’où l’on dirige l’administration spirituelle de cet immense pays du Labrador, rencontrant chaque année presque tous les missionnaires — mes anciens élèves — de cette vaste région, et causant longuement avec chacun d’eux, il me paraissait que j’avais au moins quelque idée des gens et des choses de là-bas. Or, en 1895, sous prétexte qu’un voyage à l’eau salée, comme on dit, m’était quasi nécessaire, Mgr l’évêque de Chicoutimi voulut bien m’inviter à l’accompagner dans la première visite pastorale que Sa Grandeur faisait dans cette partie de son diocèse.
Eh bien, dès les premiers pas que nous fîmes sur cette côte du Labrador, tout me fut sujet à surprise : aspect de cette contrée, caractère, langage et mœurs de la population qui l’habite, importance et procédés de l’industrie de la grande pêche que l’on y exerce. — En un mot, pour employer une expression usitée parmi nous avec quelque malice, je découvrais le Labrador !
Je me dis alors : voilà une partie très considérable de la province de Québec dont l’on ne sait à peu près rien ni à Québec, ni à Montréal, ni ailleurs. Qui a la moindre idée de l’intéressante population qui travaille, là-bas, à accroître les ressources du pays, et qui se prépare, sans en souffler mot, à fournir d’excellentes troupes de marine les bâtiments de guerre du Canada — quand il faudra en avoir ? Qui est au fait du genre de vie de ces pêcheurs canadiens et acadiens ? Qui sait — à part les gens de Terre-Neuve